SURETE REELLE ET PROCEDURE COLLECTIVE
Publié le :
09/01/2023
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Un arrêt récent de la cour de cassation (cour de cassation chambre commerciale 25 novembre 2020 n° 19-11.525) est venu apporter des précisions intéressantes sur le régime de la sûreté réelle.
Rappelons que la sûreté réelle se définit comme l’apport en garantie d’un élément de son patrimoine, d’un bien, sans engagement personnel. La sûreté réelle ne confère donc de droit à son titulaire que sur un bien en particulier mais pas de possibilité générale d’agir sur le patrimoine de celui-ci qui y consent.
Le bénéficiaire d’une sûreté réelle ne bénéficie donc pas d’un droit de gage général sur le patrimoine de celui qui souscrit la sûreté réelle, mais, d’un droit réel limité au bien objet de cette sûreté.
La cour de cassation a eu à se poser la question du sort du bénéficiaire d’une sûreté réelle en cas d’ouverture d’une procédure collective, redressement ou liquidation judiciaire, au bénéfice du constituant.
Rappelons que le droit des procédures collectives prévoit le principe de l’arrêt des poursuites individuelles en cas d’ouverture d’une procédure collective.
L’article L 622-21 I du code de commerce dispose ainsi :
« Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ».
Le II de ce texte ajoute que le jugement d’ouverture arrête ou interdit toute procédure d’exécution de la part des créanciers antérieurs tant sur les meubles que sur les immeubles.
L’article L 622-17 du code de commerce vise certaines créances nées postérieurement à l’ouverture de la procédure collective et qui bénéficient à ce titre d’un privilège.
Dans le cas soumis à la cour de cassation, la question posée était de savoir si une banque, créancier hypothécaire et bénéficiant donc d’une sûreté hypothécaire consentie par un tiers et pour autrui, pouvait en poursuivre la réalisation par voie de saisie alors que le constituant avait bénéficié de l’ouverture d’un redressement judiciaire.
La cour d’appel avait opposé à la banque la règle de l’arrêt des voies d’exécution posée par le II de l’article L 622-21 du code de commerce au motif que la banque était créancière du constituant et que se créance était antérieure à l’ouverture de la procédure collective.
Son arrêt est cassé et donc le raisonnement précité invalidé par la cour de cassation.
Cette dernière adopte un raisonnement en deux temps et pose ainsi deux principes :
- une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers « n’impliquant aucun engagement personnel du constituant de cette sûreté à satisfaire à l’obligation d’autrui, le bénéficiaire d’une telle sûreté ne peut agir en payement contre le constituant qui n’est pas son débiteur » ;
- ledit bénéficiaire « n’ayant pas acquis la qualité de créancier, il n’est pas soumis à l’arrêt ou l’interdiction des voies d’exécution, résultant de l’ouverture de la procédure collective du constituant » ;
La cour de cassation déduit de ces deux motifs que la cour d’appel a violé la loi et que le bénéficiaire de la sûreté « peut poursuivre ou engager une procédure de saisie immobilière contre le constituant » malgré la procédure collective ouverte le concernant.
Par cet arrêt, la cour de cassation pose donc pour principe que la règle de l’arrêt des poursuites individuelles ne s’oppose pas à la saisie d’un bien objet d’une sûreté réelle pour autrui.
Cet arrêt, même si il a été abondamment critiqué nous semble devoir être approuvé dès lors que le bénéficiaire d’une sûreté réelle consentie pour autrui n’est pas le créancier du constituant de cette sûreté.
La cour de cassation fait la distinction, à notre avis à raison, entre le droit personnel qui lie le bénéficiaire de la sûreté à son débiteur, et, le droit réel que ce bénéficiaire détient sur le bien objet de la sûreté.
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