Actualités

ACTIONS D’UN COGÉRANT ASSOCIÉ CONTRE SON COGÉRANT

Publié le : 26/06/2023 26 juin juin 06 2023

Dans un arrêt récent (com. 27 mai 2021 n° 19-17.568), la chambre commerciale de la cour de cassation a apporté des précisions sur les conditions de mise en œuvre de la responsabilité d’un des cogérants d’une société, d’une part au titre de l’action sociale, d’autre part au titre de l’action ayant pour objet la réparation d’un préjudice personnel invoqué par son coassocié.

Rappelons avant de commenter cet arrêt que l’article 1843-5 du code civil dispose en son premier alinéa :

« Outre l’action en réparation du préjudice subi personnellement, un ou plusieurs associés peuvent intenter l’action sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation du préjudice subi par la société ; en cas de condamnation, les dommages-intérêts sont alloués à la société ».

Ce texte consacre la possibilité de l’action sociale ut singuli dans toutes les sociétés.

Cette action trouve sa raison d’être dans le fait qu’un dirigeant de société peut ne pas être enclin à agir au nom de la société contre lui-même. Le législateur a en conséquence mis en place une voie spécifique de l’action sociale, c’est à dire de l’action engagée au nom et pour le compte de la société,  en autorisant les associés ou les actionnaires à exercer l’action sociale en lieu et place des dirigeants de la société.

Dans le cas d’espèce soumis à la cour de cassation, l’un des deux associés d’une société civile voulait obtenir la condamnation de son coassocié au titre de fautes commises dans sa gestion. Cette condamnation était recherchée pour indemniser un préjudice social, c’est à dire subi par la société et un préjudice personnel de l’associé.

Le demandeur avait la double qualité de dirigeant (cogérant) et d’associé, double qualité amenant à se poser certaines questions concernant notamment la recevabilité des actions.


La cour de cassation a dû trancher en premier lieu la question de la possibilité et de la recevabilité d’une action sociale exercée ut singuli par un associé alors même qu’il a la qualité de gérant et donc de dirigeant.    

En principe, l’action en responsabilité engagée contre un gérant pour la réparation d’un préjudice subi par la société du fait des fautes commises dans le cadre de ses fonctions doit être menée par une personne détenant le pouvoir de la représenter, c’est à dire un dirigeant. Pour une société civile, il s’agira d’un gérant.

Dans un cas comme celui soumis à la cour de cassation où la société a deux cogérants, si l’un des deux estime que le second a commis des fautes de gestion qui ont causé un préjudice à la société, il peut et même peut-être doit engager l’action sociale.

Le fait que le cogérant soit par ailleurs associé est en principe indifférent concernant l’engagement de l’action sociale. La qualité de représentant légal l’emporte sur celle d’associé. Le cogérant peut donc en principe engager l’action sociale en responsabilité ut universi à l’égard de l’autre.

Pourtant, la cour de cassation admet la recevabilité de l’action sociale engagée par la voie ut singuli par la personne, non en sa qualité de gérant, mais en sa qualité d’associé.

La cour de cassation rappelle le principe selon lequel l’action sociale doit être engagée par un représentant légal de la société et son corollaire selon lequel l’action sociale exercée ut singuli par un associé présente un caractère subsidiaire, mais, elle retient tout de même la recevabilité de l’action sociale engagée ut singuli par une personne se présentant en sa qualité d’associé alors même qu’elle détient celle de cogérant.

Pour ce faire, la cour de cassation retient l’existence de deux seuls associés qui sont également cogérants et constate un « conflit existant entre deux représentants légaux de la société » qui « caractérise l’existence d’une situation de blocage empêchant l’exercice de l’action ut universi ».

A ce stade, il faut rappeler que si l’article 1848 du code civil dispose en son alinéa premier que « Dans les rapports entre associés, le gérant peut accomplir tous les actes de gestion que demande l’intérêt de la société », ce même texte dispose en son deuxième alinéa que « s’il y a plusieurs gérants, ils exercent séparément ces pouvoirs sauf le droit qui appartient à chacun de s’opposer à une opération avant qu’elle ne soit conclue ».

Eu égard à cette disposition, les juges du fond et la cour de cassation ont considéré que le conflit entre les deux personnes concernées, toutes deux gérants de la société, pouvait caractériser une situation de blocage dès lors que chacun des cogérants dispose du pouvoir de s’opposer à un acte accompli par l’autre cogérant.

Le cogérant est donc déclaré recevable à agir ut singuli au titre de sa qualité d’associé et le cogérant ne peut y faire obstacle.


En second lieu, la cour de cassation a eu à trancher la possibilité d’un cumul de cette action ut singuli et de l’action individuelle lorsque le demandeur cumule les qualités de gérant et d’associé.

L’arrêt vient confirmer qu’il est possible à la même personne, prise en sa qualité d’associé, d’engager la responsabilité du gérant, cumulativement sur les terrains de l’action sociale et de l’action individuelle.

La recevabilité de cette action suppose la preuve de la qualité d’associé et surtout celle de l’existence d’un préjudice personnel, c’est à dire d’un préjudice qui ne se confonde pas avec celui touchant la société ou qui n’en soit que le corollaire.

L’arrêt précise que dans le cas d’espèce, cette condition résulte de la réunion de deux éléments : le caractère personnel du préjudice est admis dans la mesure où par l’effet des agissements du cogérant, son compte courant d’associé a fait l’objet de débits injustifiés ; par ailleurs, les difficultés financières de la société causées par les manquements du gérant vont amener l’associé demandeur à être actionné en sa qualité de caution solidaire de la société.

Une difficulté pourra cependant se présenter, non relevée en l’espèce par la cour de cassation, en ce que si un associé peut invoquer un préjudice personnel résultant des fautes d’un cogérant, il pourra lui être reproché une faute dans l’exercice de sa propre fonction de cogérant qui implique un contrôle des actes de son cogérant qui seraient contraires à l’intérêt social.

Historique

<< < 1 2 3 4 5 6 7 ... > >>
Navigateur non pris en charge

Le navigateur Internet Explorer que vous utilisez actuellement ne permet pas d'afficher ce site web correctement.

Nous vous conseillons de télécharger et d'utiliser un navigateur plus récent et sûr tel que Google Chrome, Microsoft Edge, Mozilla Firefox, ou Safari (pour Mac) par exemple.
OK