INSUFFISANCE DU PREAVIS DE 15 JOURS DANS UNE CLAUSE DE DECHEANCE DU TERME
Publié le :
10/02/2025
10
février
févr.
02
2025
Nous avons, dans une publication précédente, fait mention de l’arrêt Banco Primus du 26 janvier 2017 (n° C-421/14) par lequel la Cour de Justice de l’Union Européenne a posé quatre critères permettant d’apprécier le caractère éventuellement abusif d’une clause de déchéance du terme, quatre critères énoncés sous la forme des quatre questions suivantes :
- l’obligation inexécutée présente-t-elle un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause ?
- l’inexécution revêt-elle un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt ?
- cette faculté déroge-t-elle aux règles du droit commun applicables en la matière en l’absence de dispositions contractuelles spécifiques ?
- le droit national prévoit-il des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l’application d’une telle clause de remédier aux effets de l’exigibilité du prêt ?
Dans le prolongement de cette jurisprudence, la cour de cassation a récemment précisé les conditions de validité d’une clause de déchéance du terme au regard de la législation relative aux clauses abusives.
Elle a ainsi posé pour principe dans un arrêt du 29 mai 2024 (1ère chambre civile n° 23-12904) que la clause de déchéance du terme stipulée dans un contrat de crédit immobilier et laissant à l’emprunteur un délai de 15 jours à compter de sa mise en demeure pour régulariser sa situation ne comporte pas un préavis d’une durée raisonnable et doit donc être qualifiée d’abusive et par conséquent réputée non écrite.
Dans l’espèce soumise à la cour de cassation, une banque ayant accordé un crédit immobilier, confrontée à des impayés, avait mis en demeure l’emprunteur de régulariser la situation dans un délai de 15 jours, ce en application d’une clause du contrat prévoyant que, en cas de défaillance dans le remboursement des sommes dues par l’employeur, le prêteur pourra se prévaloir de l’exigibilité immédiate du prêt en capital, intérêts et accessoires, sans qu’il soit besoin d’une formalité judiciaire et après une mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours.
Deux mois après cette mise en demeure, l’emprunteur n’ayant pas régularisé le solde débiteur, la banque avait prononcé la déchéance du terme.
Elle avait ensuite assigné l’emprunteur en paiement et la cour d’appel avait fait droit à sa demande.
Cette cour d’appel avait estimé que la clause n’était pas abusive car la déchéance du terme avait été prononcée après une mise en demeure précisant le délai offert aux emprunteurs pour régulariser la situation et y mettre ainsi obstacle.
L’emprunteur avait alors formé un pourvoi en cassation en soutenant que la clause de déchéance du terme était abusive et que la cour d’appel avait donc violé l’article L 212-1 du code de la consommation en lui faisant produire effet.
La cour de cassation accueille favorablement le pourvoi et casse l’arrêt de la cour d’appel en motivant son arrêt comme suit : « En statuant ainsi, alors que la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d’une durée raisonnable, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, la cour d’appel a violé l’article L 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ».
Il convient de déduire de cette motivation rapprochée des faits de l’espèce que, pour la cour de cassation, un préavis de 15 jours n’est pas d’une durée raisonnable.
Les conséquences pratiques de cette décision sont très importantes pour plusieurs raisons.
En premier lieu, la pratique était, jusqu’à une période très récente, de prévoir des délais de préavis de 8 ou 15 jours.
Ce sont par conséquent presque toutes les clauses de déchéance du terme stipulées dans les contrats de crédit immobilier qui sont susceptibles d’être déclarées abusives et donc réputées non écrites.
En second lieu, la cour de cassation a précisé dans un autre arrêt récent (cour de cassation 2ème chambre civile 3 octobre 2024 n° 21-25.823) les conséquences du caractère réputé non écrit d’une clause contractuelle d’exigibilité anticipée : la clause de déchéance du terme étant censée n’avoir jamais existé, le contrat de prêt continue nécessairement d’être affecté par les termes suspensifs fixé contractuellement, l’envoi d’une mise en demeure étant sur ce point indifférent : le prêteur ne peut donc exiger paiement et par conséquent engager des voies d’exécution que pour les sommes exigibles, c’est à dire le seul solde débiteur.
Historique
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