REFORME DE L’EXECUTION PROVISOIRE
Publié le :
20/09/2021
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2021
L’article 539 du code de procédure civile dispose que :
« Le délai de recours par une voie ordinaire suspend l'exécution du jugement. Le recours exercé dans le délai est également suspensif ».
Le principe posé par ce texte est celui de l’effet suspensif de l’appel, voie de recours ordinaire.
Cet effet suspensif de l’appel garantit le caractère effectif du droit à un double degré de juridiction.
Le principe de double degré de juridiction signifie qu’un plaideur a le droit de demander que son affaire fasse l’objet d’un nouvel examen au fond par un autre juge.
Depuis la Révolution française, on justifie le principe du double degré de juridiction en disant qu’il est une « garantie de bonne justice ».
On considère que le double degré de juridiction permet d’une part de réparer les insuffisances ou les erreurs d’un premier jugement, et, d’autre part, qu’il incite le premier juge, qui sait qu’un autre juge peut être saisi après lui, à consacrer à l’affaire qu’il doit juger toute l’attention qu’elle requiert.
Le décret du 11 Décembre 2019, applicable aux instances introduites devant la juridiction de premier degré à partir du 1er janvier 2020, porte une atteinte importante à ce principe du double degré de juridiction.
En effet, il rend exécutoires de droit les jugements rendus en première instance.
C’est ainsi que l’article 514 du code de procédure civile dispose dans sa nouvelle rédaction :
« Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement ».
L’exécution provisoire est un attribut du jugement, qui permet une exécution immédiate d’une décision de première instance, sans avoir à attendre en cas d’appel que la juridiction de second degré ait rendu sa décision.
Jusqu’au décret du 11 décembre 2019, elle était une exception alors qu’elle devient désormais le principe.
Les jugements peuvent toutefois être assortis de l’exécution provisoire, lorsque le Tribunal l’a ordonnée.
Avant la réforme, l’article 515 du code de procédure civile disposait que :
"(…) l’exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d’office, chaque fois que le juge l’estime nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, à condition qu’elle ne soit pas interdite par la loi. (…)".
Elle n’était donc qu’une possibilité et ne pouvait être prononcée que si certaines conditions étaient remplies.
Elle est désormais de principe et ne peut être écartée que si le juge « estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire » (article 514-1 du code de procédure civile).
Par conséquent, sauf exception, l’appel n’est plus suspensif.
Les cas dans lesquelles l’exécution provisoire reste facultative et non de de droit correspondant aux contentieux relatifs à l’état civil et aux affaires familiales.
L’objectif affiché est de rendre plus rapide la justice.
Mais dans les faits, cette réforme peut aboutir à décourager certains justiciables de faire appel et donc de se prévaloir de leur droit au double degré de juridiction, voire de rendre impossible cette voie de recours.
On peut légitimement se poser la question de savoir si l’objectif réel n’a pas été de diminuer le nombre d’appel pour désengorger les juridictions du second degré qui peinaient à assumer, faute de moyens suffisants, le traitement des appels dont elles étaient saisies.
De fait, la réforme privera de la possibilité de faire réexaminer l’affaire par une cour d’appel le justiciable qui n’exécuterait pas la décision de première instance qu’il considère pourtant comme critiquable.
En effet, l’article 524 du code de procédure civile dispose :
« Lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision ».
Certes le texte prévoit que la radiation ne sera pas prononcée si il apparaît que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter cette décision, mais, l’appréciation de cette impossibilité ressortit du pouvoir d’appréciation du premier président ou du conseiller de la mise en état qui pourront l’apprécier strictement.
Par ailleurs, indépendamment même du risque pour l’appelant de ne pas pouvoir mener à son terme sa procédure d’appel, des décisions de première instance aux conséquences parfois lourdes, on peut penser aux décisions ordonnant une expulsion, pourront être exécutées nonobstant l’existence d’un appel.
Certes le décret maintient la possibilité de demander au premier président de la cour d’appel un arrêt de l’exécution provisoire.
L’article 514-3 du code de procédure civile dispose en effet en son premier alinéa :
« En cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ».
Mais l’appelant devra avoir pensé à demander à être dispensé de l’exécution provisoire en première instance puisque l’alinéa 2 de ce même texte dispose :
« La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance ».
Nonobstant les possibilités d’écarter l’exécution provisoire en première instance et d’obtenir son arrêt en cas d’appel, le fait que l’exécution provisoire soit désormais de droit restreint de façon importante le droit d’appel de justiciable et nous apparaît donc très contestable.
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