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PORT DU VOILE EN ENTREPRISE ET REGLEMENT INTERIEUR

Publié le : 23/03/2022 23 mars mars 03 2022

Dans un arrêt récent (chambre sociale 14 avril 2021 n° 19-24.079), la cour de cassation rappelle les règles applicables en matière d’expression de la liberté religieuse en entreprise.

Cet arrêt a été rendu concernant une salariée employée comme vendeuse qui avait porté, à son retour de congé maternité, un foulard islamique couvrant ses oreilles, son cou et ses cheveux.

Son employeur lui a demandé de retirer ce voile, ce qu’elle a refusé, motif pour lequel elle fut licenciée.

Pour justifier ce licenciement, l’employeur avait visé, notamment, l’image de la marque et le positionnement commercial de la société ainsi que le fait que la salariée était en contact avec la clientèle.

Cette salariée avait saisi le conseil de prud’hommes d’une demande d’annulation de son licenciement pour discrimination. Elle avait été déboutée en première instance mais avait obtenu gain de cause devant la Cour d’Appel de Toulouse (arrêt du 6 septembre 2019 n° 17/01658).

La Cour d’Appel avait considéré que l’interdiction de porter le foulard ne se limitait pas à une simple question vestimentaire mais devait être analysée comme une atteinte à la liberté d’expression d’une conviction religieuse.

Or, « faute de clause restreignant expressément la liberté de religion dans le règlement intérieur de l’entreprise, la formule très générale évoquant seulement la cohérence de la tenue vestimentaire avec l’image de l’entreprise est insuffisante pour légitimer une atteinte aussi importante à la liberté religieuse de la salariée ». La Cour ajoute que « l’appel à se déterminer en fonction de l’attente des clients sur l’apparence physique de ceux qui les servent fait prévaloir les règles économiques de la concurrence sur l’égale dignité des personnes humaines ».

La Cour d’Appel avait par ailleurs écarté l’existence d’un trouble au fonctionnement de l’entreprise qui aurait pu justifier le licenciement.

Devant la Cour de Cassation, l’employeur soutenait qu’une entreprise pouvait exiger de ses salariés une certaine neutralité sans nécessairement qu’une norme collective ait été édictée en ce sens et qu’elle était en droit, en application de la liberté d’entreprendre, d’imposer à ses salariés un certain code vestimentaire.

La Cour de cassation rejette le pourvoi par un arrêt très motivé.

Elle relève l’absence de toute clause de neutralité dans le règlement intérieur ainsi que le fait que l’employeur entendait justifier l’interdiction du port du voile par la volonté de répondre aux désirs de la clientèle.

Sur ce second point, la Cour de cassation relève que « l’attente alléguée des clients sur l’apparence physique des vendeuses d’un commerce de détail d’habillement ne saurait constituer une exigence professionnelle essentielle et déterminante ».

La règle sur la question posée à la Cour de cassation est clairement posée : les demandes fondées sur le seul désir de neutralité doivent impérativement passer par une clause du règlement intérieur (dont nous rappelons que depuis la loi Pacte de 2019, seules les entreprises de 50 salariés au moins sont soumises à l’obligation d’en avoir un) ou toute autre règle collective pour les entreprises de moins de 50 salariés (usage, charte, règlement intérieur par hypothèse non soumis au régime légal).
 
Le salarié doit avoir conscience au moment de son embauche des limites qu’il consent à l’expression de sa liberté religieuse lorsque ses fonctions le mettent en contact avec la clientèle.

Par ailleurs, le désir de l’employeur de répondre aux attentes de sa clientèle est également pris en compte comme fondement possible de l’obligation de neutralité qui peut être présente dans le règlement intérieur.

Rappelons en effet que l’article L 1321-2-1 du code du travail, issu de la loi travail du 8 août 2016, dispose que « le règlement intérieur peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché ».
 

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