POINT SUR LES CLAUSES DE DECHEANCE DU TERME
Publié le :
03/07/2024
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Les contrats de prêts contiennent de façon quasi-systématique une clause permettant au prêteur de prononcer la déchéance du terme, c’est à dire de rendre exigible la totalité des sommes restant dues au titre du prêt, capital restant dû compris, en cas de défaut de remboursement par l’emprunteur.
Cette clause qui est considérée comme une variété de clause résolutoire est encadrée et contrôlée par le droit commun comme par le droit de la consommation, ce que quelques décisions récentes sont venues rappeler.
La cour de cassation a posé comme principe il y a quelques années (cour de cassation 1ère chambre civile 3 juin 2015 n° 14-15655) que la déchéance du terme ne peut « être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle ».
Une mise en demeure préalable est donc par principe nécessaire.
Elle est également, en principe, suffisante, la banque n’ayant pas à procéder à une notification une fois la déchéance du terme acquise (cour de cassation 1ère chambre civile 10 novembre 2021).
La règle n’est que supplétive, la mise en demeure préalable pouvant être écartée par une « disposition expresse et non équivoque » (notamment cour de cassation 1ère chambre civile 22 juin 2017 n° 16-18418).
Cette possibilité d’écarter l’exigence d’une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme est d’ailleurs prévue législativement, l’article 1225 alinéa 2 du code civil disposant depuis la réforme du droit des obligations de 2016 que l’application de la clause résolutoire « est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a pas été convenu que (la résolution) résulterait du seul fait de l’inexécution ».
La cour de cassation est cependant rigoureuse sur l’appréciation du caractère expresse et non équivoque de la stipulation dispensant de mise en demeure préalable.
Dans un arrêt récent du 11 janvier 2023 (cour de cassation 1ère chambre civile 11 janvier 2023 n° 21-21590), la cour de cassation a eu à se prononcer sur la clause d’un contrat de prêt libellée comme suit : « Les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles dans l’un quelconque des cas suivants. Pour s’en prévaloir, le prêteur en avertira l’emprunteur par simple courrier :
- si l’emprunteur est en retard de plus de 30 jours avec le paiement d’un terme en principal, intérêts et accessoires du présent prêt….. ».
La cour de cassation a approuvé une cour d’appel qui avait estimé que l’expression « de plein droit » était ambiguë et insuffisamment précise pour valoir dispense de mise en demeure préalable.
Cette ambiguïté résulte notamment que la dispense impliquée par l’expression « de plein droit » peut concerner l’intervention du juge ou la mise en demeure.
Cet arrêt récent confirme un principe posé par la jurisprudence (notamment cour de cassation 1ère chambre civile 3 février 2004 n° 01-02020) selon lequel « la clause résolutoire de plein droit » n’écarte pas par elle-même l’exigence d’une mise en demeure.
Si le contrat de prêt a été conclu entre un professionnel et un consommateur, les dispositions du code de la consommation trouvent à s’appliquer en plus de celles de droit commun.
Parmi ces dispositions du code de la consommation figurent celles relatives aux clauses abusives (articles L 212-1 et suivants et R 212-1 et suivants du code de la consommation).
La Cour de Justice de l’Union Européenne a, dans un arrêt Banco Primus du 26 janvier 2017 (n° C-421/14), posé quatre critère permettant d’apprécier le caractère éventuellement abusif d’une clause de déchéance du terme :
- l’obligation inexécutée présente-t-elle un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause ?
- l’inexécution revêt-elle un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt ?
- cette faculté déroge-t-elle aux règles du droit commun applicables en la matière en l’absence de dispositions contractuelles spécifiques ?
- le droit national prévoit-il des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l’application d’une telle clause de remédier aux effets de l’exigibilité du prêt ?
Par un arrêt du 16 juin 2021 (cour de cassation 1ère chambre civile 16 juin 2021 n° 20-12154), la cour de cassation a saisi la Cour de Justice de l’Union Européenne pour obtenir des précisions sur ces critères et leur articulation dans le cadre de questions préjudicielles.
Dans un arrêt du 8 décembre 2022 (CJUE C-600/21) la CJUE a répondu que les quatre critères « ne peuvent être compris ni comme étant cumulatifs ni comme étant alternatifs, mais doivent être compris comme faisant partie de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat concerné, que le juge national doit examiner afin d’apprécier le caractère abusif d’une clause contractuelle ».
Le juge doit donc, pour déterminer si une clause de déchéance du terme est abusive, recourir à la méthode dite du faisceau d’indices. Il doit faire une appréciation globale de la situation pour déterminer si les éléments en présence caractérisent l’existence d’un déséquilibre significatif au détriment du consommateur.
Une deuxième question était posée à la CJUE : est-ce qu’un retard de paiement de plus de 30 jours peut être considéré comme suffisamment grave pour justifier la déchéance du terme ?
Sur ce point, la Cour affirme qu’« un retard de plus de 30 jours dans le paiement d’une échéance de prêt peut, en principe, au regard de la durée et du montant du prêt, constituer à lui seul une inexécution suffisamment grave du contrat de prêt ».
La Cour de cassation a fait application récemment de cette règle.
Dans un arrêt du 22 mars 2023 (cour de cassation 1ère chambre civile 22 mars 2023 n° 21-16044), elle affirme que « la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d’une durée raisonnable crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement ».
Dans le cas soumis à la cour suprême, la clause de déchéance du terme incluse dans un contrat de prêt immobilier indiquait prendre effet huit jours après la mise en demeure adressée à l’emprunteur et restée infructueuse.
Pour la cour de cassation, un préavis de huit jours ne peut pas être considéré comme étant d’une durée raisonnable, en tout cas pour un crédit immobilier.
Une dernière question posée à la CJUE portait sur la dispense conventionnelle de mise en demeure pour la mise en œuvre de la déchéance du terme et sur son caractère abusif.
La Cour répond que les dispositions de la directive de 1993 relative aux clauses abusives « s’opposent à ce que les parties à un contrat de prêt y insèrent une clause qui prévoit, de manière expresse et non équivoque, que la déchéance du terme de ce contrat peut être prononcée de plein droit en cas de retard de paiement d’une échéance dépassant un certain délai, dans la mesure où cette clause n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle et crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat ».
Enfin, concernant les questions de la dispense de mise en demeure préalable et celle du préavis d’une durée raisonnable, la cour de cassation a eu à apprécier dans un arrêt récent (cour de cassation 1ère chambre civile 22 mars 2023 n° 21-16476) la validité d’une clause insérée dans un contrat de prêt et libellée comme suit : « Si bon semble à la banque, toutes les sommes restant dues au titre du prêt en principal, majorées des intérêts échus et non payés, deviennent immédiatement exigibles, sans sommation ni mise en demeure préalables et malgré toutes offres et consignations ultérieures, en cas : - de non-paiement d’une échéance à la bonne date………….. ».
Cette clause a été déclarée abusive au motif qu’elle combine une dispense de mise en demeure préalable et une absence totale de préavis et crée en conséquence un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
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