L’ABSENCE DE REPONSE DE L’EMPLOYEUR A UNE DEMANDE DE CONGES VAUT ACCEPTATION TACITE
Publié le :
04/03/2024
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Concernant la fixation des dates de départ en congé, le principe est qu’elles sont fixées par un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, de branche.
En l’absence d’accord, c’est l’employeur qui les définit après avis, le cas échéant, du comité social et économique (articles L 3141-14, L 3141-15 et L 3141-16 du code du travail).
Il a été jugé (cour de cassation chambre sociale 17 décembre 1997 n° 96-42.331) que seul l’employeur peut juger si un congé demandé est conforme aux nécessités du service, sous réserve d’abus manifeste.
La Cour de cassation a précisé récemment que face au silence de son employeur, le salarié peut considérer sa demande de congés comme acceptée. Le salarié, qui a formulé une demande de congés et s’est absenté aux dates prévues sans avoir obtenu de réponse de son employeur, ne commet donc pas de faute et l’avertissement prononcé à cette occasion doit être annulé (Cass. soc., 6 avril 2022, n° 20-22.055).
Sur ce sujet, le silence vaut donc acceptation.
Les faits soumis à l’examen de la Cour de cassation étaient les suivants : un salarié avait demandé par oral l’autorisation de s’absenter le 27 juin 2016, demande à laquelle l’employeur n’avait pas répondu.
L’employeur soutenait n’avoir reçu aucune demande, mais la cour d’appel a considéré que la preuve en était rapportée par l’attestation d’une salariée. Cette attestation faisait également état d’un refus oral par l’employeur, mais elle a été jugée insuffisamment probante sur ce point à défaut de préciser les circonstances, et notamment la date, de ce refus.
Le salarié avait considéré que le silence de son employeur valait acceptation et s’était donc absenté.
Par courrier en date du 4 juillet 2022, la Société lui avait alors notifié un avertissement pour absence injustifiée.
Le salarié a demandé et obtenu l’annulation de cet avertissement devant les juges du fond.
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la Société en jugeant que «la cour d’appel, qui a constaté que le salarié avait demandé l’autorisation de s’absenter le 27 juin 2016 et qu’il n’était pas établi que l’employeur avait expressément formulé un refus, en sorte que le salarié avait pu considérer que sa demande était acceptée, a pu décider que le salarié n’avait pas commis de faute».
La solution peut paraître surprenante dès lors que, comme rappelé précédemment, sauf dispositions conventionnelles contraires, la loi réserve à l’employeur la fixation de l’ordre des départs en congés.
L’employeur a l’obligation de fixer mais aussi de communiquer l’ordre des départs en congés
A défaut d’accord collectif en ce sens, il revient à l’employeur d’organiser les congés de ses salariés. Il doit ainsi fixer l’ordre des départs en congés en tenant compte de certains critères liés à la situation personnelle du salarié (la loi en cite trois : situation de famille, ancienneté, employeurs multiples) et après avis, le cas échéant, du CSE. Cette règle précisée à l’article L. 3141-16 du Code du travail interdit donc aux salariés de fixer eux-mêmes leurs congés.
Le refus du salarié de respecter les dates de congés déterminées par l’employeur est logiquement fautif et l’expose à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement, éventuellement pour faute grave (notamment cour de cassation chambre sociale 23 mars 2004 n° 01-45.225).
Devant la cour de cassation, l’employeur invoquait la règle selon laquelle «sauf stipulation particulière, disposition conventionnelle ou usage contraire, le salarié ne peut fixer lui-même les dates de ses congés payés».
Toutefois, l’obligation de fixer l’ordre des départs en congés a un corollaire : celui d’en informer les salariés.
L’ordre des départs en congé doit être communiqué à chaque salarié un mois avant son départ (code du travail article D. 3141-6).
Il sera rappelé que le non-respect de la législation sur les congés payés est sanctionné par une amende contraventionnelle (code du travail article R. 3143-1) et que le salarié n’ayant pas été mis en mesure de prendre ses congés peut obtenir la condamnation de son employeur à l’indemniser du préjudice correspondant.
Au-delà, le défaut d’information par l’employeur sur les dates de prise de congés est pris en compte par les juridictions dans l’appréciation de la gravité de faute du salarié parti en congés sans autorisation.
L’arrêt du 6 avril 2022 fait application de ce dernier principe.
Ainsi, le licenciement d’un salarié, parti en congés sans autorisation, a été jugé sans cause réelle et sérieuse dès lors que les juges du fond avaient relevé que l’employeur «ne justifiait pas de l’établissement et de la notification d’un planning de congés au personnel et était au courant du départ en congé de son gérant» (cour de cassation chambre sociale 16 octobre 1984 n° 82-41.849).
La Cour de cassation a également considéré que la faute grave ne pouvait être retenue s’agissant de l’absence non déclarée d’un salarié «compte tenu de la propre défaillance de l’employeur dans l’organisation des congés payés». L’absence non déclarée et non autorisée du salarié a cependant été jugée constitutive d’une cause réelle et sérieuse de licenciement (cour de cassation 11 juillet 2007 n° 06-41.706).
On retiendra donc de cet arrêt rendu par la cour de cassation le 6 avril 2022 que, en matière de demande de congés, le silence de l’employeur vaut acceptation.
Les employeurs doivent donc être particulièrement vigilants et l’on ne peut que leur recommander d’observer un certain formalisme pour refuser une demande de congés.
La prudence incite dès lors l’employeur qui n’entend pas accéder à la demande de congés d’un salarié à le lui notifier par écrit, et ce, y compris lorsque le salarié n’aura lui-même formulé sa demande qu’à l’oral.
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