LICENCIEMENT ET LIBERTE D’EXPRESSION
Publié le :
02/04/2024
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Tout salarié jouit, parce qu’il est aussi citoyen, d’une liberté d’expression qui peut s’exercer dans l’entreprise comme en dehors de celle-ci.
L’article L 1121-1 du code du travail dispose : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
En application de ce texte, l’employeur ne peut pas apporter à la liberté d’expression de ses salariés des restrictions qui ne seraient ni justifiées par la nature des tâches à accomplir ni proportionnées au but recherché.
Des restrictions peuvent cependant être admises pour assurer la protection de la réputation et des droits d’autrui dès lors qu’elles sont proportionnées à cet objectif.
C’est ainsi que le salarié ne peut pas abuser de la liberté d’expression qui lui est reconnue en tenant des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs (cour de cassation chambre sociale 2 février 2006 n° 04-47.786).
Des décisions récentes sont venues rappeler que l’exercice de sa liberté d’expression par un salarié ne peut donner lieu à sanction que de façon exceptionnelle et que si certaines conditions sont réunies.
C’est ainsi qu’un arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation du 29 juin 2022 (n° 20-16060) est venu rappeler le statut de liberté fondamentale de la liberté d’expression et le fait qu’elle faisait en conséquence l’objet d’une protection d’un haut niveau.
L’espèce concernait un directeur général d’une société qui avait été licencié pour faute grave en janvier 2017. Il a engagé une procédure pour contester la validité de son licenciement et une Cour d’Appel a fait droit à sa demande en déclarant son licenciement nul et en condamnant l’employeur à verser diverses sommes à titre d’indemnités.
Il était reproché par l’employeur au salarié d’avoir mis en cause, dans un courrier adressé à la direction du groupe auquel appartenait la société qui l’employait son supérieur hiérarchique et d’avoir dénoncé certains choix stratégiques du groupe.
Les propos tenus étaient très critiques voire virulents puisque le salarié dénonçait notamment un management « gravement incompétent » et « corrompu » une éthique qualifiée de dramatique.
L’employeur avait procédé au licenciement en soutenant que ces critiques étaient excessives et abusives. Le licenciement était prononcé pour ce motif et pour d’autres motifs dont sa gestion de la filiale dont il avait la charge qui était mise en cause. Il était également reproché à ce salarié un manquement au secret professionnel et à son obligation de confidentialité.
La Cour de cassation saisie par l’employeur rejette son pourvoi en rappelant que « sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression ».
Elle affirme par ailleurs que « le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l’exercice, par le salarié, de sa liberté d’expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement.
La Cour de cassation accorde ainsi le statut de liberté fondamentale à la liberté d’expression du salarié et affirme que l’atteinte à celle-ci entraîne à elle seule la nullité du licenciement.
Par un autre arrêt du 16 décembre 2022, la chambre sociale de la Cour d’Appel de Douai (n° RG 21/00564) devant laquelle nous défendions une salariée qui avait été licenciée pour faute grave pour avoir tenu envers une de ses collègues des propos jugés par l’employeur comme étant injurieux et humiliants a rappelé le principe selon lequel tout salarié jouit dans l’entreprise d’une liberté d’expression à laquelle seules des restrictions liées à la nature des tâches à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées.
Pour retenir que la salariée n’avait pas excédé les limites de la liberté d’expression, la Cour d’Appel prend en compte et relève la nature des missions accomplies par la salariée, sa place subalterne dans la hiérarchie de l’entreprise, la teneur des propos rapportés et le contexte d’énervement réciproque dans lequel ils ont été rapportés.
Ce faisant, alors que le conseil de prud’hommes de Calais avait validé le licenciement pour faute grave, la Cour d’Appel déclare le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne l’employeur au paiement de diverses sommes au titre notamment de l’indemnité légale de licenciement, de l’indemnité de préavis et d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
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