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Cession de créance et titrisation (suite)

Publié le : 04/11/2020 04 novembre nov. 11 2020

Nous avons évoqué dans un article précédent relatif à la cession de créance le mécanisme dit de la titrisation.

Pour rappel, il concerne les particuliers puisque peuvent donner lieu à titrisation les crédits consentis par les banques et sociétés de crédits, en ce compris les crédits à la consommation.

La titrisation, dont le régime va être d’abord fixé par une loi du 23 décembre 1988, est l’opération financière par laquelle un établissement de crédit cède sous une forme simplifiée les créances qu’il détient sur ses clients à un fonds commun de créances qui émet en contrepartie des parts négociables sur le marché.

L’article L 214-180 du code monétaire et financier dispose que le fonds commun de titrisation n’a pas la personnalité morale.

En fait, le fonds commun de titrisation ou de créances, qui n’a pas la personnalité morale, est représenté légalement par une société de gestion qui elle a la personnalité morale.

L’article L 214-183 du code monétaire et financier dispose en effet que « la société de gestion du fonds commun de titrisation représente le fonds à l’égard des tiers et dans toute action en justice ».

Cependant, cette société de gestion n’avait pas, sauf mandat spécial dont le débiteur cédé devait être informé, qualité pour agir en recouvrement de la créance cédée au fonds.

La cour de cassation en avait tiré la conclusion que la société de gestion qui n’était pas expressément chargée du recouvrement des créances cédée était irrecevable à agir en paiement (chambre commerciale 13 décembre 2017 n°16-19681)

Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, l’article L 214-172 dispose que

« Lorsque des créances, autres que des instruments financiers, sont transférées à l'organisme de financement, leur recouvrement continue d'être assuré par le cédant ou par l'entité qui en était chargée avant leur transfert dans des conditions définies soit par une convention passée avec la société de gestion de l'organisme, soit par l'acte dont résultent les créances transférées lorsque l'organisme devient partie à cet acte du fait du transfert desdites créances. Toutefois, à tout moment, tout ou partie du recouvrement de ces créances peut être assuré directement par la société de gestion en tant que représentant légal de l'organisme ou peut être confié par elle, par voie de convention, à une autre entité désignée à cet effet.

L’alinéa 2 de ce texte disposait antérieurement que

« Toutefois, tout ou partie du recouvrement de ces créances peut être assuré directement par la société de gestion ou confié par elle, par voie de convention, à une autre entité désignée à cet effet. Chaque débiteur est informé de ce changement ».
Le nouveau texte ne fait plus référence à cette nécessité d’informer le débiteur cédé.
Désormais, la société de gestion a donc, en tant que représentant légal du fonds, qualité légale pour assurer, y compris par voie d’une action en justice, tout ou partie du recouvrement des créances transférées
.

Concernant les modalités de la cession, l’article L 214-169 V dispose, dans sa rédaction issue de la loi du 22 mai 2019 que

« V. – 1° L'acquisition ou la cession de créances par un organisme de financement s'effectue par la seule remise d'un bordereau dont les énonciations et le support sont fixés par décret, ou par tout autre mode d'acquisition, de cession ou de transfert de droit français ou étranger.
Par dérogation à l'alinéa précédent, la cession de créances qui ont la forme d'instruments financiers s'effectue conformément aux règles spécifiques applicables au transfert de ces instruments. Le cas échéant, l'organisme peut souscrire directement à l'émission de ces instruments
;
2° Lorsqu'elle est réalisée par voie du bordereau mentionné au 1°, l'acquisition ou la cession des créances prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d'échéance ou d'exigibilité des créances, sans qu'il soit besoin d'autre formalité, et ce quelle que soit la loi applicable aux créances et la loi du pays de résidence des débiteurs ;
3° La remise du bordereau entraîne de plein droit le transfert des sûretés, des garanties et des autres accessoires attachés à chaque créance, y compris les sûretés hypothécaires et les créances professionnelles cédées à titre de garantie ou nanties dans les conditions prévues par les articles L. 313-23 et suivants, de même que l'opposabilité de ce transfert aux tiers sans qu'il soit besoin d'autre formalité
».

Le mécanisme de la titrisation permet donc désormais la réalisation d’une cession de créance à un organisme de financement, notamment un fonds commun de créances, et son recouvrement par la société de gestion qui en assure la représentation, sans même que le débiteur cédé soit informé.

Par ailleurs, la cour de cassation a jugé récemment (chambre commerciale 9 septembre 2020 n° 19-10.652) que l’irrecevabilité de l’action de la société de gestion d’un fonds de titrisation tirée de l’absence de désignation expresse et d’information du débiteur pouvait, en application des dispositions de l’article 126 du code de procédure civile, donner lieu à régularisation par la seule entrée en vigueur de la disposition légale précitée.

Ce faisant, elle accorde par un raisonnement procédural tiré du régime des fins de non-recevoir, un effet rétroactif à un texte dérégulant totalement la cession des créances par voie de titrisation.

Il sera pourtant rappelé que l’article 2 du code civil dispose que « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ».

Aux termes de cette évolution, il y a lieu de considérer que désormais, en droit français, certaines créances, notamment celles correspondant à des crédits à la consommation, sont considérés comme des biens, des valeurs cessibles sans restriction et sans consentement ni même information du débiteur cédé et non plus comme des liens entre personnes.

Rappelons que selon l’analyse classique remontant au moins au droit romain, être créancier d’une somme n’équivaut pas à en être déjà propriétaire, le devenir d’une créance reposant essentiellement sur la capacité du débiteur à honorer sa parole.
 

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